PODCAST : LE PARFUM ET LA CÔTE D'AZUR
Les parfums nous enivrent et nous questionnent sur notre sensibilité… ils ont quelque chose à nous raconter qui nous touche au fond de notre être, qui nous parle, au-delà des mots… Ils traversent le temps avec nous à l’image du N°5 Chanel, né à Cannes sur la Côte d’Azur, qui a célébré ses 100 ans en 2021, ou encore lorsque la jeune société azuréenne Okaia créa “Eau Bleue”, le parfum officiel de l’équipe de France.
Alors, pour rentrer dans cet univers de la parfumerie sur la Côte d’Azur, je commencerai par vous expliquer ses racines historiques. Puis, nous irons sur le terrain, pour voir là où les fleurs et les plantes à parfums sont cultivées et récoltées… et ensuite, comment elles sont sélectionnées et transformées pour concevoir les parfums. Je vous emmènerai rendre visite à un nez, ou “parfumeur” si vous préférez, avant d’aller dans les trois grandes maisons de la parfumerie grassoise que sont Fragonard, Molinard et Galimard.
Vous me suivez ? Alors inspirez profondément. On y va ! Plongeons dans le monde des odeurs et voyagez avec moi dans le temps…
Un peu d’histoire
Depuis la nuit des temps, les odeurs nous entourent… Des odeurs de fleurs les plus exquises à celles les plus viciées, le nez de l’homme apprécie ou subit un large éventail de senteurs. Les substances que la terre et ses habitants dégagent dans l’air forment en chaque lieu « une sorte d’effrayant bouillon”, selon les termes de l’auteur Alain Corbin.
Dès l’Antiquité, les premiers procédés de parfumerie vont rendre la vie plus agréable, plus sensuelle… agrémentée de subtils mélanges de senteurs qui permettront de nous distinguer. Enfin, ce confort sera largement amplifié au cours du 18ème siècle, avec le développement de l’hygiène dans nos sociétés et la chasse aux mauvaises odeurs.
D’ailleurs à cette époque, sur la Côte d’Azur, le choix s’est vite imposé dans les tanneries de la petite ville de Grasse, où l’odeur du cuir était insoutenable. Aussi, pour la masquer, utilisait-on des essences naturelles de la région, ce qui permit la naissance d’une nouvelle corporation, celle des Gantiers Parfumeurs. Et puis, quand l’industrie du gant a commencé à décliner, les tanneurs de Grasse ont complètement abandonné la production de gants et se sont tournés vers l’industrie de la parfumerie.
Ce territoire est particulièrement propice au commerce du parfum naissant. On y cultive de nombreuses plantes odorantes comme l’oranger, le cassier, la myrte ou le lentisque pistachier. Le jasmin également, importé d’orient, la rose centifolia et la délicate tubéreuse, originaire du Mexique.
Ainsi, de la culture des plantes jusqu’à l’art de composer le parfum, sans oublier la connaissance des matières premières et leur transformation, la région de Grasse acquiert peu à peu tous les savoir-faire liés à la parfumerie. Sa renommée dépasse vite les frontières de la France, à tel point qu’on la qualifiera de capitale mondiale du parfum. Un lieu exaltant et unique en son genre, à découvrir lors de votre prochain passage sur la Côte d’Azur France !
Pour l’heure, je vous propose de nous balader ensemble dans ce magnifique pays de Grasse, à la découverte des plantes à parfums, des domaines de culture et des gens qui y travaillent… En route !
Les fleurs de Grasse
Nous nous trouvons à Mouans-Sartoux, dans les jardins du Musée International de la Parfumerie, lieu incontournable pour commencer notre parcours sensoriel. On y rencontre Christophe Mège, le chef jardinier, qui nous explique l’originalité de ce site.
En fait on peut dire qu’on est un musée en plein air, on est un jardin botanique finalement, où on propose aux visiteurs de découvrir les plantes à parfum, donc toutes les plantes à parfum qui ont fait l’économie de Grasse. Donc on va découvrir en plein champ les rosiers centifolia, les roses de Grasse, le jasmin grandiflorum, c’est le jasmin de Grasse. On cultive la tubéreuse, on cultive le géranium Rosa, toutes ces plantes qui ont fait l’histoire du pays, et puis on a une autre partie du jardin, la partie droite du jardin, qui est en fait un parcours olfactif où les végétaux sont regroupés en notes olfactives. On a repris le vocabulaire de la parfumerie pour décrire les parfums, donc on a les notes boisées, les notes épicées, les notes florales, fruitées, fleurs blanches, hespéridés… aromatiques. Donc là dans la note boisée, on va avoir des choses comme le vétiver, le patchouli, le cyprès, enfin toutes les plantes qui peuvent être utilisées en parfumerie sur cette note-là. Et la particularité du parcours, c’est qu’on a pas que des plantes à parfum, on a aussi des plantes odorantes, c’est-à-dire des plantes qui ne sont pas transformées en parfumerie mais qui vont venir illustrer ces notes. Et l’idée en fait, c’est que le visiteur vienne et déambule dans le jardin, touche les végétaux, sente, découvre. En fait sur cette partie-là c’est une expérience sensorielle, l’idée c’est vraiment qu’il se fasse plaisir, et c’est aussi didactique parce qu’on présente des informations sur les différentes plantes et les différentes notes. Le visiteur peut se débrouiller tout seul, il trouve des panneaux d’information dans le jardin, il y a des cartels avec le nom des plantes, et la balade se poursuit comme ça jusqu’en haut du jardin et ensuite on passe au fameux plein champ dont je parlais tout à l’heure, qui est presque à l’échelle une campagne agricole grassoise.
Ces jardins ont donc pour vocation de vous présenter toutes les plantes à parfum du Pays de Grasse… Des végétaux souvent délicats et fragiles, mais indispensables à la fabrication des plus grands parfums. Mais au-delà de ça, il faut comprendre que le Pays de Grasse est très attaché à son histoire et à son patrimoine. C’est la raison pour laquelle, en 2018, les savoir-faire liés au parfum en Pays de Grasse ont été classés au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco. Cela a permis entre autres de protéger cette région, mais aussi de la dynamiser, car de nouveaux horticulteurs s’y installent maintenant en toute confiance, afin de produire les senteurs les plus raffinées au monde.
Quelques sites de production sont néanmoins là depuis plusieurs générations, comme celui de la famille Mul. Ce dernier est très connu, puisqu’il produit exclusivement pour une grande marque parisienne. Du jasmin et de la rose centifolia à perte de vue, des odeurs d’une rare douceur, tout ça sous un ciel bleu dans la douce lumière de la Côte d’Azur… (inspiration……) Ahhhhh…
Ces deux fleurs sont des ingrédients indispensables à la fabrication de N°5, le célèbre parfum de Chanel, et pour que cette production soit pérenne, en 1987, Chanel conclut un partenariat inédit avec la famille Mul. Il s’agit là à la fois de sécuriser la quantité et la qualité des fleurs nécessaires, mais également de préserver la culture des plantes dans le pays de Grasse… et avec elles, des savoir-faire vieux de trois siècles ! Une collaboration gagnante qui fonctionne encore aujourd’hui.
Le jasmin et la rose centifolia, on en cueille également au sud de Grasse chez Pierre Charliat, producteur de plantes à parfums de père en fils, qui organise des visites de son exploitation… Nous y allons les poumons grands ouverts pour respirer cet air délicieux (inspiration)… Tous nos sens sont en éveil… dans un décor champêtre aux couleurs rose, blanc, vert et bleu, une vieille bâtisse provençale nous rappelle l’authenticité du site et des activités horticoles. Vous entendez le bruit particulier que fait la fleur de jasmin quand on la coupe ? (bruitage)
Pierre CHARLIAT
La cueillette se fait exclusivement à la main. Donc c’est-à-dire qu’il y a aucune machine qui pourra remplacer la dextérité humaine pour cueillir la fleur de jasmin. Il faut savoir aussi que c’est un travail qui est de patience et très long car pour arriver à 1 kg de fleurs de jasmin vous devez avoir cueilli manuellement entre sept milles et dix milles fleurs à la main. Alors la tubéreuse c’est un parfum très puissant et très entêtant, puisque les fleurs on peut les sentir à plusieurs centaines de mètres quand il y a des embruns ou des courants d’air. C’est un parfum qui porte assez loin et c’est une fleur assez charnue comparativement au jasmin. Il faut savoir que la tubéreuse c’est une tige qui va s’élever et le bouton est sur le bout de la tige et ils vont fleurir au fur à mesure, donc on va cueillir tous les jours dessus. La fleur elle s’ouvre tous les soirs à la tombée du jour et c’est là que le parfum exalte le plus en fait.
Ca n’a rien à voir, c’est une autre ambiance aussi, c’est un autre parfum, c’est différent du jasmin, chaque fleur à ses propres particularités, par exemple la rose qu’on fait aussi sur place, la rose de mai, les parfums c’est carrément pas les mêmes ça a rien à voir avec une rose classique qu’on pourrait avoir dans son jardin. C’est très subtil, vous pouvez avoir des notes légèrement citronnées sur la fin par exemple. Et la rose de mai elle c’est la reine des roses à Grasse et elle se fait désirer puisque c’est 4 semaines par an au mois de mai uniquement. Voilà donc la reine des roses elle se fait désirer à Grasse. Tout ce que je cueille c’est apporté à l’usine tous les matins, pour subir l’extraction. Et après ça va servir à faire les bases des parfums, c’est-à-dire la concrète, et qui va par la suite être remise en alcool pour faire l’absolue et qui va se retrouver dans des quantités infimes, dans les plus grands parfums qu’on peut connaître.
Toujours dans la région de Grasse, quelques autres lieux de cultures de plantes à fleurs nous attendent. D’abord le domaine de Manon, spécialisé également dans la rose et le jasmin. Carole Biancalana y pratique la cueillette avec passion, sous l’œil bienveillant de ses aînés, tout en apportant sa propre dimension : cultiver la terre en protégeant l’environnement.
Il y a également le Domaine du Mas de l’Olivine, à Peymeinade. Sa particularité est d’être situé sur un terrain en restanques que l’on peut découvrir lors de visites commentées. Quelque 300 arbres servent d’écrin aux jasmins, aux roses, mais aussi aux iris et aux lys. Une fois cueillies, ces fleurs sont transformées en délicieuses confiseries que vous pouvez goûter et acquérir pour votre plus grand bonheur. Tiens d’ailleurs, ils proposent des ateliers grand public pour participer à la cueillette et à la transformation de ces fleurs, alors… si l’envie vous en dit, n’hésitez pas à vous y inscrire
A Grasse toujours, nous visitons la Bastide Isnard à travers un parcours des sens… En plus des fleurs à parfums, on navigue entre les arbres fruitiers méditerranéens comme les bigaradiers, les figuiers, les citronniers et les oliviers. Les restanques sont magnifiques et on s’accorde une pause pour contempler le panorama… une vue imprenable sur la mer depuis les hauteurs du moyen-pays ! (respiration, détente)… Quelle beauté !!!!!
Puis nous partons à quelques kilomètres, vers l’est, dans le village de Tourrettes-sur-Loup, pour rejoindre la Bastide aux Violettes… suivez-moi ! … Dédié à la célèbre violette dite Victoria, on y trouve une exploitation ainsi qu’un musée. Suivons la visite guidée et dégustons des produits à base de violette. Huuummmmm ! quel envoûtement des sens, quel arôme et quel goût subtil
Enfin, un peu plus haut en altitude, à Gourdon, magnifique village perché au-dessus des gorges du Loup, la Lavanderaie de Marie est un lieu pittoresque à ne pas manquer sur votre itinéraire. Entre mer et montagne, on y trouve bien sûr des champs de lavande mais aussi diverses plantes aromatiques.
A la boutique de La Source Parfumée, dans le village, se trouve une vieille distillerie d’époque, ainsi qu’un écomusée avec des outils d’antan… Avant de partir, après cette passionnante visite à travers le temps, n’oublions pas d’acheter, en souvenir, une ravissante bougie-fleur typique du lieu.
Retour au centre de Grasse où nous allons en apprendre un peu plus sur le processus de production des parfums. Nous y avons rendez-vous avec Guy Serano, expert en transformation des plantes à parfums.
Huile essentielle, concrète, absolue… elles servent à élaborer les plus prestigieux parfums… Mais que se cache-t-il derrière ces termes ? Quel est leur procédé de fabrication ?
Guy SERANO
En fonction de ce que l’on désire, si c’est une huile essentielle ou une concrète, les appareils vont être tout à fait différents (…) Si c’est une huile essentielle donc ce sera fait dans des alambics, sous agitation ce qui veut dire que ce sera uniquement avec de l’eau et les huiles essentielles seront entraînées naturellement par la vapeur. Maintenant, si nous allons travailler en concrète, nous allons travailler avec des extracteurs, des extracteurs et des solvant.. Nous allons mettre nos fleurs dans des paniers troués, percés, nous allons noyer ces fleurs, nous allons les laisser macérer même pas une heure, en fonction une heure, une heure et demie, et nous allons faire des lavages. Les concrètes ce ne sont pas des produits qui sont utilisés tel quels, puisqu’il y a à l’intérieur des cires qu’on appelle des insolubles. Donc cette concrète étant faite, on va utiliser maintenant d’autres appareils, on va les envoyer dans un local des absolues et cette concrète sera traitée uniquement avec de l’alcool.
Les événements Fleurs & Parfums
À écouter aussi